Séminaires 2019-2020

Séminaire « Recherches contemporaines en narratologie » : année universitaire 2019-2020/ Récits à l’épreuve du hasard

Organisateurs Philippe Roussin (CNRS, CRAL) avec Olivier Caïra (IUT Evry et EHESS), Anne Duprat (Université d’Amiens et IUF), Annick Louis (Université de Reims et CRAL),   John Pier (Université de Tours et CRAL).

Le séminaire se réunit tous les quinze jours, les 1er, 3e et 5e mardi du mois, de 15h à 17h, 96, boulevard Raspail – 75006 Paris / Salle Lombard

Récits à l’épreuve du hasard

Initialement fondée sur des modèles déterministes et clos, la narratologie s’intéresse depuis plusieurs années à des pratiques et à des œuvres plus ouvertes aux notions d’incertitude, d’incomplétude et d’inachèvement. Le hasard peut intervenir de deux manières : d’une part comme l’insertion délibérée d’un dispositif aléatoire dans le processus créatif (jets de dés, tirages de cartes…), d’autre part comme une source de « bruit » externe au travail narratif (santé de l’auteur, incidents éditoriaux…).

Un premier cycle de séances sera consacré aux articulations – souvent problématiques – entre les structures fondamentales du récit et la génération aléatoire de contenus narratifs (fragments textuels, personnages dotés de traits variables, effets engendrés par un jeu de simulation…). On étudiera différentes traditions qui ont fait du hasard une méthode d’enrichissement des œuvres et expériences de fiction.

La deuxième partie du séminaire portera sur le traitement narratif des événements imprévus, particulièrement repérable dans la production sérielle : roman-feuilleton, bande dessinée à suivre, fiction télévisée. Qu’il s’agisse d’un départ de comédien, d’un nouvel arbitrage budgétaire ou d’un changement de format éditorial, le matériau narratif absorbe et reflète les aléas de sa production. Ce traitement, qui peut relever d’une scénarisation adaptative ou de la pure improvisation, suppose une mise à l’épreuve constante des composantes du récit que la narratologie classique tenait pour stables : genres fictionnels, personnages, intrigues, péripéties, etc.

Narratives and the Test of Chance

Initially based on closed determinist models, narratology has more recently taken an interest in practices and works that are open to uncertainty, incompleteness and the failure to complete. There are two ways that chance can intervene: as the deliberate insertion of a random-generating device into the process of creation (throwing dice, drawing cards, etc.) or as a source of “noise” external to the narrative work (health of the author, editorial incidents, etc.).

A first cycle of sessions will be devoted to the articulation – often problematic – between the fundamental structures of narrative and the random generation of narrative contents (textual fragments, characters endowed with variable traits, effects brought about by a simulation game, etc.). Various traditions will be studied that have made of chance a method for enriching works and experiences of fiction.

The second part of the seminar will look into the narrative treatment of unforeseen events, found particularly in serial productions such as serial novels, serial comic strips, TV fictions. Whether this involves the departure of an actor, a new budget arbitration or a change in editorial format, the narrative material absorbs and reflects the hazards of production. Such developments, which can result from adapting the script or from pure improvisation, trigger a constant testing of the components of narrative that classical narratology took to be stable: fictional genres, characters, plots, peripeties, etc.


Mardi 5 novembre 2019

Anne Duprat (Université de Picardie Jules Verne et Institut Universitaire de France) –« In/out : le récit et l’aléa »

S’intéresser aux effets produits par l’intervention du hasard dans le récit est une façon particulière de poser la question de sa clôture. Cette intervention peut en effet être vue soit comme une dynamique de perturbation – l’aléa apparaît alors comme le grain de sable venant gripper de l’extérieur le fonctionnement de la machine narrative – ou plus radicalement comme une manifestation, interne au récit, de l’inertie des choses elles-mêmes. Le hasard désigne alors simplement ce qui arrive, la venue à l’être des événements avant qu’ils ne soient motivés, mis en œuvre et rendus signifiants par la dynamique narrative.

Il s’agira donc cette année (2019-2020) d’analyser un paradoxe concret, technique, des rapports entre hasard et récit : celui qui oppose la production à l’assimilation du hasard par le récit. Cette double approche (in/out) renvoie à une distinction importante dans la façon dont on conçoit la contingence, telle que la reflètent les principaux groupes de définition étymologiques du terme.

L’événement aléatoire peut être compris comme « ce qui arrive » ; en ce sens il est toujours saisi, d’Aristote à Bergson, au moment où il arrive « à quelqu’un ». Raconter le surgissement du hasard constitue alors une pierre de touche de la narrativité, conçue comme une expériencialité de type anthropomorphe (Fludernik). Mais il peut aussi être compris comme le résultat du fonctionnement d’un dispositif artificiel (dés, osselets, jeux divers). Dans le premier cas l’événementialité elle-même est ce qui arrive au récit ; en l’observant, on voit comment l’œuvre gère son ouverture sur le monde. Dans l’autre on considère le récit lui-comme le dispositif de production des événements – un dispositif dont il restera alors à évaluer la force paradigmatique.

Une première série d’interventions (S. Wit, O. Caïra, J Pier, S. Troche, D. Battaglia) explorera la façon dont le récit fait advenir le hasard, en revenant sur les différentes formes d’utilisation de celui-ci comme méthode de création ou comme élément d’un dispositif. La première partie de cette introduction est consacrée à un retour sur l’histoire des usages de l’aléatoire en poétique du récit, d’Aristote à Saporta et Chloé Delaume. On y verra que, si le récit comme œuvre d’art a toujours été attiré par la force esthétique de l’événement contingent, il ne lui emprunte justement que sa dimension esthétique, et non sa présentation dans l’ordre du réel .

En introduction à la seconde partie du séminaire (D. Ferrer, J. Baetens, A. Goudmand) un deuxième ensemble de remarques permet de montrer comment le récit, comme système perméable aux « aléas » du milieu dans lequel il est développé, intègre les irruptions du hasard, à partir d’exemples littéraires et audio-visuels montrant comment fonctionne la mécanique d’absorption du contingent par un système signifiant comme celui du récit. Au-delà des effets concrets (métaleptiques notamment) produits par ces irruptions, l’achèvement du récit est en effet là pour donner un sens à la rencontre de séries causales indépendantes. L’intervention du hasard dans le cours d’une histoire apparaît alors comme une perturbation qui a pour effet d’augmenter la crédibilité de la fiction – dans la mesure par exemple où elle permet de dissimuler la clôture fictionnelle d’un système narratif –, jusqu’à un certain point ; ce point franchi, l’effet produit est inverse, et la déstabilisation du système fragilise au contraire sa crédibilité.

Mesurer la part de l’aléatoire dans un processus de création narrative revient ainsi à évaluer sa résistance aux contraintes extérieures, mais aussi la capacité de reconfiguration de son matériau de départ que lui donne cette même résistance.

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Mardi 19 novembre 2019

Sébastien Wit (Université de Picardie Jules Verne) –« Hasard superstitieux et poétique du récit »

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Le XXe siècle est généralement associé à l’âge de la mathématisation du hasard. Après la reconnaissance de l’étude des probabilités comme branche à part entière des mathématiques au cours du XIXe siècle, le XXe siècle multiplie les modélisations scientifiques du hasard : principe d’incertitude de la physique quantique, théorie du chaos, etc. Néanmoins, parallèlement à ce discours positiviste, une contre-épistémè continue de valoriser un hasard superstitieux, mélange de philosophie et de magisme. Si le hasard surréaliste (le hasard objectif) constitue l’un des exemples les plus connus de ce hasard superstitieux, il existe également un corpus romanesque ayant fait du hasard son instrument de composition narrative. Au moment des années 1960, des auteurs détournent des artefacts divinatoires – tarots, Yi King – pour en faire des instruments de délinéarisation du récit. Mon intervention s’intéresse à ces usages expérimentaux du hasard, et à la manière dont l’épreuve du hasard constitue un champ à part entière de l’étude des narrations non-naturelles (unnatural narrative).

Repères bibliographiques

AARSETH, Espen J., Cybertext: Perspectives on Ergodic Literature, Baltimore/Londres, Johns Hopkins University Press, 1997.

BARONI, Raphaël et REVAZ, Françoise, Narrative Sequence in Contemporary Narratology, Columbus, The Ohio State University Press, 2016.

ECO, Umberto, L’Œuvre ouverte, trad. Chantal Roux de Bézieux et André Boucourechliev, Paris, Seuil, 1965.

LEJEUNE, Denis, The Radical Use of Chance in 20th Century Art, Amsterdam/New York, Rodopi, 2012.

WIT, Sébastien, Romans du hasard : Italo Calvino, Julio Cortázar, Philip K. Dick, Marc Saporta, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2019.

Superstitious Chance and the Poetics of Narrative

The 20th century is generally associated with the mathematizing of chance. After acknowledging the study of probability as a branch of mathematics in its own right during the 19th century, the 20th century developed a number of scientific models: the uncertainty principle in quantum physics, chaos theory, etc. Nevertheless, alongside this positivist discourse, a counter-épistémè continued to nourish superstitious chance, a mixture of philosophy and magic. While surrealist chance (objective chance) is one of the best-known examples of superstitious chance, there also exists a corpus of novels that employs chance as an instrument of narrative composition. During the 1960s, authors diverted divinatory artefacts such as tarot cards and Yi King in order to delinearize narrative. This lecture will look at these experimental uses of chance and at how the test of chance forms a field in its own right of the study of unnatural narratives.


Mardi 3 décembre 2019

Olivier Caïra (IUT Evry et EHESS) – « Hasard et interactivité dans les storygames »

La séance portera sur les liens entre narration, hasard et improvisation. Il s’agit d’une recherche en cours, dans l’optique d’une habilitation à diriger des recherches : une présentation Powerpoint sera présentée puis diffusée à l’issue de la discussion, mais il n’y a pas encore de texte finalisé sur le sujet. La lecture de mon article « Qu’allez-vous faire de Roméo » (revue COnTEXTES n°22, 2019), joint à ce résumé donne toutefois un aperçu de la démarche de recherche et des objets traités. On présentera d’abord plusieurs jeux de société fondés sur ces trois ingrédients : Il était une fois (1995), Oui, Seigneur des ténèbres (2007), Petits Meurtres et Faits Divers (2007) et Rory’s Story Cubes (2011), ainsi que le prototype de Showrunners (2019), en les situant dans un panorama plus large de jeux à substrat narratif (jeux de rôle sur table et grandeur nature, jeux vidéo scénarisés, jeux de plateau à énigme, etc.) Quelques minutes seront dédiées à l’expérimentation d’un de ces jeux, afin de mettre en lumière le caractère divergent des improvisations. Une première phase de questions/réponses permettra de s’assurer que tous les participants ont saisi la manière dont ces jeux intègrent le hasard dans leur fonctionnement.

L’approfondissement théorique se fera suivant trois axes :

  • L’articulation entre jeu et narration, trop souvent présentée comme conflictuelle (notamment depuis la « guerre » des années 2000 entre ludologues et narratologues), et qui suppose surtout de stabiliser un vocabulaire analytique commun aux différents objets.
  • L’articulation entre hasard et intentionnalité narrative, en reprenant la notion de prise élaborée par Christian Bessy et Francis Chateauraynaud dans Experts et faussaires – Pour une sociologie de la perception (Métailié 1995).
  • L’importance de la distinction entre communications analogique et digitale pour saisir la richesse des pratiques narratives associant hasard et langue naturelle.

Mardi 21 janvier 2020

Sarah Troche (Université de Lille) – « Mettre en récit le hasard : de l’accident à la méthode » / Séance annulée.


Mardi 4 février 2020

Demian Battaglia (CNRS et Institut de Neurosciences des Systèmes, Aix-Marseille Université) –« Hasard, complexité, information, cognition »

Ce n’est pas simple de séparer hasard et complexité. Cela arrive aussi parce que le mot « complexe » peut avoir des acceptions très différentes. D’une part, complexe signifie sans ordre, sans régularité, chaotique… D’autre part, complexe peut signifier organisé, fortement structuré, riche en formes (« patterns »). Le mathématicien Jean-Paul Delahaye parle ainsi de complexité aléatoire et de complexité organisée pour distinguer ces deux types de notions. La théorie algorithmique de l’information fournit des outils pour formaliser ces deux types de complexité, en termes de leur « profondeur ». Des règles déterministes très simples pourront générer des séquences d’évènements équivalentes, au niveau statistique, à des séquences générées par hasard. En revanche, l’aléatoire sera toujours moins « profond ». Une distinction précise entre les deux types de complexité peut donc être obtenue pour des objets mathématiques.

Toujours dans le domaine des sciences dures de la complexité, une rencontre fertile a eu lieu entre Physique, Biologie des systèmes et Théories de l’Information et de la Computation, permettant de comprendre que le trait commun à tout système dynamique avec des comportements collectifs émergents (colonies de fourmis et écosystèmes, réseaux de neurones biologiques ou artificiels, matériaux intelligents…) est le type de traitement d’information que ces systèmes produisent de façon auto-organisée. Dans ces systèmes qu’on appelle complexes, l’interaction entre leurs composantes (rencontres de particules ou d’agents, échange de messages entre unités d’un réseau…) permet d’extraire des contenus d’information qui ne peuvent être connus par aucun des composantes en isolation mais qui ne se manifestent qu’au moment de leur « collision », souvent fortuite. Des métriques définies en théorie de l’information permettent de séparer ces évènements saillants avec une « modification d’information » non-linéaire – un « proto-eventfulness » ? – de collisions banales, « linéaires », qui n’introduisent aucune nouveauté dans le flux d’évolution du système. En neurosciences, par exemple, la collision entre perceptions passives (bottom-up) et attentes et prédictions générées par un modèle cognitif interne (top-down) peut être mesurée en détectant dans des enregistrements neuronaux la « modification d’information » produite par l’attention. Le niveau de conscience (ou « mindfulness ») est également associé à un traitement de l’information plus au moins non-linéaire.

Au-delà des jeux mathématiques, dans les systèmes complexes de la physique, de la biologie et de l’informatique, les complexités aléatoire et organisée coexistent et la première peut devenir une ressource au service de la deuxième. En traitement du signal, l’ajout de bruit sur un message peut aider à sa décodification par des algorithmes non-linéaires. Dans l’évolution des espèces, le hasard pur peut donner lieu à la naissance de nouvelles espèces en absence de toute pression sélective. De façon plus générale, le hasard permet à des agents adaptatifs complexes (individus d’une espèce, circuits cérébraux, robots, intelligences artificielles…) d’explorer leur environnement – physique, perceptuel, cognitif – sans aucune connaissance préalable, et de découvrir, initialement par chance, les comportements et les actions les plus susceptibles de produire un bénéfice. Ainsi, des agents artificiels peuvent apprendre à marcher, à éviter des obstacles, à jouer à « Starcraft » ou à battre des champions du jeu de Go, en agissant guidées par leur complexité intrinsèque, au début aléatoire, mais de plus en plus « profonde » à fur et à mesure que l’apprentissage progresse.

Tous ces arguments, bien que passionnants, sont certainement très éloignés de la narratologie, au moins dans ses formes les plus conventionnelles. Cependant, des narratologues comme Marie-Laure Ryan ont pu conceptualiser la narration comme un système complexe. Avec une pertinence très saisissante du point de vue des « sciences dures », elle parle de la nature décentralisée et adaptative des réseaux d’interaction entre personnages à l’intérieur d’une histoire, ou encore des déviations non-linéaires entre la séquence temporelle de présentation et la séquence causale des évènements. John Pier insiste sur l’existence de points de bifurcation et d’instabilité dans les narrations. Marina Grishakova évoque comme source additionnelle de complexité la dynamique cognitive évoquée par la narration dans l’espace mental du lecteur/spectateur, producteurs actifs de prédictions et de biais attentionnels.

Plusieurs concepts inspirés des sciences dures de la complexité sont donc utilisés en narratologie de façon toujours plus fréquente et sophistiquée. Un premier but d’une rencontre entre acteurs interdisciplinaires serait donc la vulgarisation. Une meilleure connaissance des outils forgés par les sciences dures pourrait clarifier certains des questionnements autour du hasard posés dans ce séminaire. Quel est le rôle du hasard dans la narration (le hasard dans l’histoire ou, encore, le hasard comme facteur actif dans la génération du récit) ? Introduire de la complexité, peut-être… mais de quel type : aléatoire ou organisée ? Est-ce-que la « profondeur » d’une narration (ou des dynamiques interprétatives qu’elle engendre) pourrait être un facteur contribuant au plaisir de sa fruition ? Pourrait-on conceptualiser les déviations d’une séquence narrative linéaire ou entre séquences causale et temporelle comme des mécanismes produisant des « collisions » fécondes d’« information modifiée » ? Des narrations ou des mondes narratifs intéressants pourront-ils émerger du hasard à travers l’auto-organisation et l’apprentissage ? A plus long terme, une rencontre entre la narratologie et les sciences dures pourrait-elle inspirer de nouvelles approches empiriques (expérimentations cognitives, méthodes numériques d’analyse…) inspirées par de véritables questionnements narratologiques et non par de simples caricatures ? Notre espoir est que la participation de scientifiques « durs » à ce séminaire puisse contribuer à l’incubation d’une alliance renouvelée entre les disciplines.


Mardi 3 mars 2020

John Pier – (Université de Tours et CRAL) –« Séries d’un autre genre : texte fermé, système ouvert »

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Cet exposé part du postulat que le récit est un système complexe ou dynamique. Selon cette conception, le récit n’est pas caractérisé par des relations isomorphes entre les parties et le tout, une configuration qu’on peut associer à la linéarité narrative et à l’idée que le récit consiste en un commencement, un milieu et une fin. Plusieurs éléments complexes tendent à relativiser ce schéma tels que la sensibilité aux conditions initiales, les conditions de quasi équilibre et de loin d’équilibre, le feedback positif, les bifurcations, les attracteurs étranges et les structures dissipatives.

Si les technologies numériques nous ont sensibilisés aux méandres des récits hypertextuels, elles nous ont également avertis à l’interactivité potentielle du livre codex. Tout récit n’est pas destiné à être lu de la première page à la dernière, certains nous incitant à lire de façon non-linéaire, d’autres de façon multilinéaire. L’intervention sera consacrée à l’examen de Lost in the Funhouse (1968) de John Barth, une œuvre traversée d’une multitude de « séries » ou protocoles de lecture rigoureusement (quoique implicitement) déterminés et auxquels on peut attribuer une complexité « organisée » qui est fortement structurée, riche en formes diverses et en combinaisons d’éléments ajustés les uns aux autres, formant ainsi au cœur du livre un texte fermé ; et une complexité « aléatoire », sans ordre, sans régularité, imprévisible, chaotique et contenant une quantité d’informations qui sont incompressibles dans des structures homogènes, produisant ainsi un système ouvert. Construit de manière multilinéaire, Lost in the Funhouse déclenche les effets de non-linéarité.

Éléments bibliographiques

  • Grishakova, Marina, et Maria Poulaki, éd., Narrative Complexity : Cognition, Embodiment, Evolution, Lincoln, University of Nebraska Press, 2019.
  • Pianzola, Federico, « La complessità della narrazione e della narratologia », Enthymema, vol. XXII, 2018, p. 221-233.
  • Pier, John, « Instabilités narratives », Cahiers de narratologie, vol. 35, 2019.
  • Walsh, Richard, et Susan Stepney, éd., Narrating Complexity, Cham, Springer, 2018.

Series of another Type: Closed Text, Open System

This lecture is based on the postulate that narrative is a complex or dynamical system. According to this conception, narrative is not characterized by isomorphic relations between the parts and the whole, a configuration associated with narrative linearity and the idea that narrative consists in a beginning, a middle and an end. A number of complex factors tend to relativize this schema such as sensitivity to initial conditions, conditions of near equilibrium and far from equilibrium, positive feedback, bifurcations, strange attractors and dissipative structures.

While the digital technologies have awakened us to the meanderings of hypertextual narratives, they have also made us aware of the potential of the codex book for interactivity. All narratives are not read or meant to be read from the first page to the last, some prompting us to read non-linearly, others multilinearly. The lecture will be devoted to an examination of John Barth’s Lost in the Funhouse (1968), a work traversed by a multitude of “series” or protocols for reading that are rigorously (albeit implicitly) determined and to which an “organized” complexity can be attributed that is highly structured and rich in diverse forms and combinations of elements adjusted to one another, thus forming a closed text within the book; and an “aleatory” complexity without order, without regularity, unpredictable, chaotic and containing a quantity of elements that are not compressible into homogenous structures, thus producing an open system. Constructed multilinearly, Lost in the Funhouse triggers effects of nonlinearity.


Mardi 17 mars 2020

Daniel Ferrer – ITEM (ENS/CNRS) – « Accident et (récit de) genèse »

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La critique génétique, discipline qui s’intéresse au processus d’invention (notamment l’invention du récit) tel qu’on peut le reconstituer à partir des traces qui en subsistent dans les manuscrits, rencontre le hasard à tous les stades. L’étude de l’avant-texte confirme que l’accident est inhérent à toute invention, présent au point de départ des programmations les plus rigoureuses comme des dérives les plus imprévues. Sous un de ses aspects, il est la résultante inévitable de la collision des impératifs internes contradictoires. Dans une perspective différente, il est la marque de l’autre et de son accueil plus ou moins forcé au sein du même.

Même les œuvres les mieux planifiées sont sujettes aux accidents : accidents biographiques ou politiques majeurs qui bouleversent ou interrompent le cours de la genèse, infimes accidents graphiques qui infléchissent localement l’écriture. Étudier l’impact de l’accident est le meilleur moyen de comprendre la logique sous-jacente du processus qu’il vient perturber, mais aussi de constater qu’une autre logique est souvent mise au jour par l’accident, à partir de laquelle l’œuvre est réinterprétée a posteriori. Hasard ou déterminisme, c’est une affaire de storytelling, de la part du critique, mais aussi de celle de l’écrivain au cours de la genèse. On pourrait dire que le rôle de la critique génétique est de montrer comment on passe de l’accidentel inéluctable de la genèse au « possible nécessaire » du texte.

Bibliographie :

Ferrer, Daniel, Logiques du brouillon. Modèles pour une critique génétique, coll. « Poétique », Paris, Seuil, 2011.

Accident and (Narrative of) Genesis

Genetic criticism, a discipline that focuses on the process of invention (particularly the invention of narrative) as it can be reconstituted on the basis of remaining traces of this process in manuscripts, is faced with chance at every stage. Studying the pre-text (avant-texte) confirms that accidents are inherent in all inventions and that they are present from the very beginning of the most rigorous programs in the form of the most unforeseen drifts. At one level it is the inevitable result of the collision of contradictory internal imperatives. From another point of view, it is the mark of the other and of its more or less forced reception in the text.

Even the best planned works are subject to accidents: major biographical or political accidents that disrupt writing at the local level. Studying the impact of the accident is the best way to understand the underlying logic of the process it disturbs as well as to observe that another logic is often brought to light by accident. On this basis, the work is reinterpreted a posteriori. Chance or determinism is a matter of storytelling by the critic but also by the writer in the course of genesis. It can be said that the role of genetic criticism is to show how the inevitably accidental nature of genesis passes over to the “necessary possible” of the text.


Mardi 31 mars 2020

Jan Baetens (Université de Leuven) – « Séquence narrative versus stase visuelle : le cas du ciné-roman-photo »

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La question du hasard dans le récit se pose généralement à partir d’un corpus singulier, mais dont la singularité a fini par nous échapper : la littérature « sérieuse », dite d’auteur. La situation change radicalement dès qu’on aborde aussi le champ de la littérature « industrielle », souvent anonyme, sans auteur connu. Ce type de littérature, que dominent les critères économiques, semble à première vue totalement privée d’effets de hasard : tout est fait pour contrôler la production aussi bien que la production des œuvres. L’exemple du ciné-roman-photo, genre oublié dont on commencera par donner une brève description, montre toutefois que le hasard est tout sauf absent des industries culturelles. Nous tenterons d’en donner ici une première approche, à partir de quelques œuvres représentatives.

Narrative Sequence and Visual Stasis: The Case of Ciné-roman-photo

The question of chance in narrative is generally raised with reference to a particular corpus whose particularity has, in the end, escaped us: “serious” literature, known as authorial literature. Things change radically once the field of “industrial” literature, often anonymous, without a known author, is taken on. This type of literature, dominated by economic criteria, seems at first sight to be totally deprived of the effects of chance: everything is done to control production, including the production of works. The genre of “ciné-roman-photo,” a forgotten genre that will be briefly described here, shows nonetheless that chance is anything but absent from the cultural industries. A few representative works from this genre incorporating chance will be discussed.


Mardi 21 avril 2020

Anaïs Goudmand – (Université de Lausanne) « Hasards de production et effets métaleptiques dans les séries télévisées »

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L’intervention portera sur les conséquences qu’ont sur la mise en récit les hasards et les imprévus liés aussi bien à la production des séries télévisées (départs d’acteurs notamment) qu’à leur diffusion (effets de collusion entre l’actualité et le calendrier de diffusion des épisodes). Je m’appuierai sur les exemples de Downton Abbey (ITV1 2010-2015) et de The Good Wife (CBS 2009-2016).

Bibliographie :

  • Genette, Gérard, 2004, Métalepse : de la figure à la fiction, Paris, Seuil, « Poétique ».
  • Goetschel, Pascale, Jost, François et Myriam Tsikounas (dirs.), 2015, Écritures du Feuilleton, Paris, Publications de la Sorbonne, « Sociétés & représentations ».
  • Lavocat, Françoise, 2016, Fait et fiction : pour une frontière, Paris, Seuil, « Poétique ».
  • Schaeffer, Jean-Marie et John Pier (dirs.), 2010, Métalepses : entorses au pacte de la représentation, Paris, éd. de l’École des Hautes Études en Sciences Sociales.

Chance Occurrences in Production and Metaleptic Effects in Television Series

This talk deals with the consequences of the narrativization of chance occurrences and elements of surprise related to the production of television series (e.g., the departure of actors) as well as to their distribution (collusion between current affairs and the broadcast schedule of episodes). Examples will be taken from Downton Abbey (ITV1 2010-2015) and The Good Wife (CBS 2009-2016). 


Mardi 5 mai 2020

Réjane Hamus-Vallée – (Université d’Evry / Centre Pierre Naville) – « Le hasard gagne toujours. La chasse aux goofs au cinéma » / Séance annulée.


Mardi 19 mai 2020

Annick Louis – (Université de Reims et CRAL) – « Hasard, bruit et matérialité dans Buffy the Vampire Slayer » / Séance annulée.