Séminaires 2021-2022
Séminaire « Recherches contemporaines en narratologie » : année universitaire 2021-2022 / Performativités narratives
Le séminaire se réunit tous les quinze jours, les 1er et 3e mardi du mois, de 15h à 17h
54, boulevard Raspail – 75006 Paris.
Il se déroulera en mode hybride : en présentiel : Salle B02_18 ou en visio au choix. Le lien sera communiqué la veille de chaque séance – http://narratologie.ehess.fr
John Pier (Université de Tours et CRAL) et Philippe Roussin (CRAL/CNRS), organisateurs,
avec la collaboration d’Olivier Caïra (IUT Evry et EHESS), de Thomas Conrad (ENS, Paris),
d’Anne Duprat (Université d’Amiens et IUF) et d’Anaïs Goudmand (Sorbonne Université)
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English below
Performativités narratives
Scribere est agere. Parler c’est agir. La formule juridique convient particulièrement bien au récit. Les récits agissent, sont efficaces entre autres raisons parce que nous les croyons. Et nous les croyons parce que, comme l’ont enseigné la philosophie du sens commun (Thomas Reid et le principe de crédulité : toute assertion est digne de créance tant qu’elle n’a pas été démontrée fausse) et, plus récemment, la psychologie cognitive (l’existence d’une disposition à croire nos semblables, à avoir confiance dans la véracité des récits qui nous sont contés), notre pente naturelle est de croire ce que l’on nous raconte. La théorie des actes de langage d’Austin, élaborée par rapport au droit (qu’il s’agisse de l’engagement du locuteur, des obligations contractuelles, qui se déclarent avec l’assertion, la promesse, etc.), les « implicatures conversationnelles » de Grice et la pragmatique renvoient alors aux questions de la détermination des autorités et des narrateurs fiables (on peut ainsi réinterroger la tradition du unreliable narrator issue de la rhétorique narrative de Wayne Booth), de la confiance (entendue comme une attitude épistémique) que nous accordons à ce que l’on nous raconte et de la défiance (comme attitude trop coûteuse). Loin des problématiques trop usuelles du pouvoir, de la puissance d’agir de la fiction ou du récit, le storytelling (pour ne citer que lui) peut ainsi être repensé, dans ses versions orales comme écrites, au-delà de la seule interprétation qui a prévalu en France par la rationalité et la communication manipulatrices.
Ce séminaire de recherche portera également sur des récits – littéraires ou non, contemporains ou non – chargés d’une forte promesse de performativité, qu’ils aient une orientation utopique ou dystopique. L’injonction contemporaine à « inventer de nouveaux récits » ne vise pas simplement à renouveler les pratiques narratives, mais surtout à faire advenir des changements sociaux par leur truchement. La question du statut fictionnel ou documentaire des œuvres sera l’un des thèmes récurrents de la réflexion au fil des séances. La performativité peut en effet être envisagée comme une caractéristique transformatrice, non seulement des éléments du récit, mais aussi du statut pragmatique de ce dernier : si la documentarité et la fictionnalité se jugent à l’aune du monde existant, qu’en est-il du rapport des œuvres narratives à des mondes en gestation ? De William Gibson à Fredric Jameson, ne dit-on pas des récits cyberpunk des années 1980 qu’ils ont prophétisé, voire modelé le monde actuel ? On abordera donc la genèse des « grands récits » du passé ainsi que leur rôle, réel ou supposé, de moteur de l’histoire, mais aussi des initiatives actuelles, comme le projet Witnesspedia (https://scifieconomics.world/), dont l’objectif affirmé est de raconter d’autres futurs pour leur donner une chance d’advenir.
Narrative Performativities
Scribere est agere. To speak is to act. The legal phrase is particularly suitable to narrative. Narratives act and produce effects because, among other things, we believe them. And we believe them because, as we know from the philosophy of common sense (Thomas Reid and the theory of credulity: every assertion is worthy of credence so long as it has not been proven false) and, more recently, from cognitive psychology (the predisposition to believe our fellow creatures, to have confidence in the veracity of the stories we are told), our natural inclination is to believe what is said to us. Austin’s speech act theory, developed out of the law (be it the speaker’s commitment or contractual obligations, expressed in the form of an assertion, a promise, etc.), Grice’s conversational implicatures, and pragmatics thus relate to questions of determination by the authorities or by reliable narrators (consider the notion of unreliable narrator coming from Wayne Booth’s narrative rhetoric) of the confidence (understood as an epistemic stance) we attribute to what is said to us and to defiance (too costly a stance). Far from the ordinary questions of power and the capacity for action of fiction or narrative, storytelling (to take but one example) might be looked at anew – both in its oral and written versions – extending beyond its interpretation as manipulative rationality and communication, a position that has prevailed in France.
This year’s research seminar will also take account of narratives – literary or otherwise, contemporary or not – that are highly performative in nature, be they utopian or dystopian. The contemporary pressure to “invent new stories” aims not merely at the renewal of narrative practices but especially at bringing about social change. The question of the fictional or documentary status of works will thus be one of the recurrent themes for debate during the meetings. Performativity can be regarded as a transformative feature not only of narrative itself but also of its pragmatic status: if documentarity and fictionality are judged in terms of the existing world, what can we say about how narrative works relate to worlds in gestation? From William Gibson to Fredric Jameson, has it not been said of the cyberpunk narratives of the 1980s that they prophesied or even modeled the world of today? The question of the “grands récits” of yore together with their role, real or supposed, as the motor of history will be taken up as well as current initiatives such as the Witnesspedia project (https://scifieconomics.world/) whose aim is to narrate other futures, giving them a chance to occur.
Mardi 5 octobre 2021
Philippe Roussin (CRAL/CNRS) – « A qui faire confiance ? Qui croire ?
A propos de Le Grand Escroc (The Confidence-Man : His Masquerade) d’Herman Melville »
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Mardi 19 octobre 2021
Marie Vanoost (Université Catholique de Louvain) – « Journalisme narratif : le récit pour faire vivre l’information ».
Mardi 16 novembre 2021
Irène Langlet (Université Gustave Eiffel) – « Science-fiction et performativité : de la promesse au jeu sérieux ».
Mardi 30 novembre 2021
Alison James (University of Chicago) – « Récit documentaire et les effets de la fictionnalisation »
Mardi 7 décembre 2021
Gloria Origgi (CNRS – Institut Nicod, EHESS, ENS) – « Pourquoi fait-on confiance aux récits ? »
Mardi 18 janvier 2022
Christophe Reffait (Université d’Amiens) – « Performativité du récit économique chez Émile Zola »
Mardi 1er février 2022
James Phelan (Ohio State University) – « Textual and Readerly Dynamics in the Historical Novel: Colson Whitehead’s The Underground Railroad ».
Mardi 15 février 2022
Monika Fludernik (Université de Fribourg) – « Factual Narrative Cross-Culturally and Diachronically ».
Mardi 1er mars 2022
Olivier Caïra (IUT Evry et EHESS) – « Witnesspedia, construction diégétique collaborative et récits de science-fiction économique ».
Mardi 15 mars 2022
Raphaël Granier de Cassagnac (CNRS/École polytechnique) – « La culture scientifique nourrit-elle l’anticipation ? ».
Mardi 5 avril 2022
Jean-Paul Engélibert (Université Bordeaux-Montaigne) – « Représenter l’avenir ? Une lecture des Furtifs d’Alain Damasio »
Mardi 19 avril 2022
Florent Favart (Université de Lorraine) – « Là où personne n’est jamais allé ».