‘Narration fictionnelle’ et ‘narration historiographique’ ? Réflexions à partir des thèses de Hayden White et de Paul Ricœur – Michael Scheffel

Les réflexions de Hayden White et de Paul Ricœurconcernant le caractère littéraire des écritures de l’histoire ont étéâprement discutées1. C’est surtout le problème de l’objectivité de l’œuvre historiographique qui occupe les historiens de métier, dont certains se considèrent commeAu bord de la falaise (Chartier, 1998) et d’autres À la recherche de la vérité perdue(Kiesow/Simon, 2000). En tant que narratologue et critique littéraire, je souhaiterais aborder la discussion d’une autre manière : qu’est-ce que nous, les narratologues, pouvons apprendre de Hayden White et dePaul Ricœur, et qu’est-ce que nous pouvons apporter à une discussion qui concerne en fait le rapport entre le récit littéraire et le récit historiographique ? Le débat ayant revêtu des formes polémiques,je commencerai par rappeler ce qu’ont été positions principales.

II. Le caractére littéraire des écritures de l’histoire selon Hayden White et Paul Ricoeur

II. 2. Hayden White et la théorie de l’emplotment

Lorsqu’on considère l’opus magnum de Hayden White, Metahistory (1973), on y trouve à la base denombre d’analyses pratiques une théorie de l’historiographie étroitement liée à un certain modèle du fonctionnement de la narration2. Ce modèle se compose de quatre éléments, nommés historical field, chronicle, story et emplotment. Leur relation se présente, grossièrement,de la manière suivante : en tant que chercheur, l’historien se voit tout d’abord confrontéà un ‘champ historique’ (historical field) composé de soi-disant ‘éléments’ disposés de façon chaotique. Ces ‘éléments’, White les appelle soit ‘données’ (data), soit ‘événements’ (events). L’opération de l’historien, en tant que narrateur, consiste alors à arranger ces ‘éléments’ selonla forme de ‘chronique’ (chronicle), c’est-à-dire selon l’ordre temporel de leur occurrence. Puis, dans un deuxième temps, l’ordre purement temporel de la chronique est transformé en ordre structurel ayant la forme d’une ‘histoire’ (story) ; un processus qui inclut le choix et l’arrangement des événements de façon qu’ils forment un ensemble structuré, c’est-à-dire une chaîne d’événements avec un début, un milieu, et une fin (White, 1973, p. 5). Selon leur position dans l’ensemble structuré de l’histoire ainsi formée, certains événements du champ historique font alors fonction de motifs d’exposition, de motifs de transition ou de motifs de clôture3.

Jusqu’ici, le modèle narratif de White me paraît plus ou moins compatible avec les modèles provenant de la tradition formaliste et structuraliste4. Mais White ajoute à son modèle un quatrième élément, le fameux emplotment. Pour comprendre ce point délicat, souvenons-nous comment White illustre la viséedifférente de la chronique et de l’histoire. Selon White, la chronique répond à la question simple « What happened next? », tandis que l’histoire répond aux questions du type : « Why did things happen this way rather than that? », ou « How did it all come out in the end? » Ce qui reste alors, c’est la question évaluative du type « What is the point of it all? ». Cette question-là, selonWhite, concerne la structure de l’histoire dans satotalité, c’est-à-dire « the structure of the entire set of events considered as a completed story »(1973, p. 7). Selon White, c’est ici que le mode de l’explication intervient. D’après lui, il y a trois types de réponses à cette question :

  • l’explication narrative et esthétique, nommée explication par emplotment,

  • l’explication discursive et cognitive, nommée explication par argumentation,

  • l’explication due au point de vue de l’historien, nommée explication par implication idéologique.

C’est la combinaison de la structuration narrative, de l’argumentation discursive et de l’implication idéologique qui forme le ‘style’ de l’historiographe. Mais comme c’est l’explication par emplotment qui importe spécifiquemeent pour la formation dusens narratif, je vais m’arrêter à ce premier type d’explication. La définition de White est la suivante : « Providing the ‘meaning’ of a story by identifying the kind of story that has been told is called explanation by emplotment » (ibid.). Le sens d’une histoire est donclié à la formation d’un schema d’action typique. « Emplotment », suivant White, « is the way by which a sequence of events fashioned into a story is gradually revealed to be a story of a particular kind » (ibid.).

C’est alors avec le mode de l’explication du sens de l’histoire qu’entrent en jeu les formes de la narration littéraire. Tandis que les tropes de la rhétorique classique imprègnent la production textuelle en général, ce sont quatre soi-disant ‘muthoi’ disponibles dans les cultures humaines qui constituent en quelque sorte le code au sens d’un principe d’organisation de la narration historique5. Romance, tragedy, comedy et satire – voici selon White les quatre « modes of emplotment » qui servent à transformer une séquence d’événements « into a story of a particular kind ».

Si l’on examine le modèle narratif de White demanière plus distancée, on constate qu’il soulève nombre de problèmes. En général, on peut dire que White développe sa conception d’une ‘métahistoire’ sans l’aided’une ‘métathéorie’ quelconque, c’est-à-dire qu’il reproduit sans ironie ni réflexion méthodologique la facticité qu’il réprouve. Dans le détail, on peut critiquer le caractère fortement réducteur d’une typologie qui prévoit seulement quatre schémas d’action pour un récit donné (un problème qui est aggravépar la difficulté de définir dans le détail la forme des quatre soi-disant « muthoi »). En outre, il n’est pas évident de savoir  comment il faut penser la relation exacte entre « muthoi » et « modes of emplotment » et à quel niveau du processus narratif il faut localiser le mode de construction nommé emplotment. Est-ce qu’il s’agit vraiment d’une structure verbale réalisée dans une narration donnée – ou s’agit-il plutôt d’une disposition de l’homme envisagécomme un « pattern-building animal » (cf. Antor, 1996, p. 68) ? S’agit-il d’une disposition qu’on peut alors vaguement identifier avec le concept de‘frame’ en psychologie cognitive et associer avant tout à un aspect performatif, c’est-à-dire avec le processus soit de la production, soit de la réception d’un récit ? Dans le cadre de cetarticle,il ne m’est possible de répondre à ces questions. Ce que j’aimerais retenir, c’est la thèse générale que le modèle narratif de White implique : le ‘sens’ de l’histoire n’est pas une qualité inhérente aux éléments de ce que White appelle ‘le champ historique’, mais un résultat de la narration ; ce ‘sens’, l’historien narrateur ne le relève pas à l’aide des ‘éléments’ du ‘champ historique’, mais il le construit en narrant et en se servant d’une gamme de schémas d’action assez pauvre. Par conséquent, pour White, il y a toujours un hiatus insurmontable entre le monde de l’action et la narration.

La question qui se pose maintenant est celle du rapport entre la narration historiographique et la narration littéraire. Est-il en fait légitime de parler de deux types de narration différents et qu’elle est cette différence, si différence il y a ? Lorsque l’on considère les écrits de White, on doit convenir que sa position n’est pas très claire à ce propos. Effectivement, dans Metahistory, il distingue nettement la narration historiographique de la narration littéraire en posant le principe d’une différence qui se fonde sur le statut ontologique des événements rapportés. Ainsi constate-t-il : « Unlike literary fictions […], historical works are made up of events that exist outside the consciousness of the writer. The events reported in a novel can be invented in a way that they cannot be (or are not supposed to be) in a history » (White, 1973, p. 6). Mais de l’autre côté, surtout dans les essais publiés par la suite, on trouve des formulations qui semblent nier toute différence entre les deux types de narrationen caractérisant la narration historiographique comme « essentially a literary, that is to say fiction-making operation » (White, 1978, p. 85). C’est le fait de déduire d’un processus de formation un statut fictif des éléments formés qui a fait couler beaucoup d’encreet qui a été ratifié par les représentants du linguistic turn et du mouvement que l’on a appelé poststructuraliste. Mais est-il, d’un point de vue heuristique, productif de corréler ‘literary operation’ et ‘fiction-making operation’, c’est-à-dire d’identifier la structure et la référence d’une narration ? Je necrois pas. Regardons donc ce que la théorie de Paul Ricœur peut apporter à ce point.

II. 2. Paul Ricœur et la conception d’une herméneutique narrative

À première vue, la différence entre Ricœur et White à propos du statut littéraire de la narration historiographique peut sembler mince. Si l’on étudie les trois tomes de Temps et récit (1983-1985), on y retrouve un concept qui semble être comparable à celui que White élabore sous le titre de l’emplotment. Comme White, Ricœur fait porter sa réflexion sur le problème de la « médiation entre des événements ou des incidents individuels, et une histoire prise comme un tout » (1983, p. 102). Et d’une manière semblable à celle deWhite, Ricœur écrit : « Une histoire […] doit être plus qu’une énumération d’événements dans un ordre sériel, elle doit les organiser dans une totalité intelligible, de telle sorte qu’on puisse toujours demander ce qu’est le ‘thème’ de l’histoire. Bref, la mise en intrigue est l’opération qui tire d’une simple succession une configuration » (ibid.). L’acte de la ‘mise en intrigue’ – notion comparable à celle de l’emplotment de White – représente, selon Ricœur, « le moyen privilégié par lequel nous re-configurons notre expérience temporelle confuse, informe et, à la limite, muette » (ibid., p. 10) ; et le principe d’une « synthèse de l’hétérogène » (ibid., p. 103) qu’il implique est valable pour tous les types de narration. S’agissant du rapport entre la narration historiographique et la narration littéraire, Ricœur souligne donc autant que White « l’identité structurale entre l’historiographie et le récit de fiction » (ibid., p. 17). Mais Ricœur ne se contente pas de réfléchir àla facticité de toute narration et d’accentuer la qualité littéraire, voire fictionnelle, de la narration historiographique. En fait, c’est une herméneutique narrative qu’il développe dans Temps et récit. J’aimerais souligner deux points de cette approche théorique aussi riche que complexe.

Premièrement, le fait que Ricœur assimile le principe de la configuration, lié à la mise en intrigue,au terme aristotélicien de mimèsis qui est, pour lui, « l’emblème […] [du] décrochage » (ibid., p. 76) qui se produit quand on juxtapose l’expérience humaine et l’innovation sémantique représentée par la narration.

Deuxièmement, le fait que, pour Ricœur, la mimèsis « n’a pas seulement une fonction de coupure, mais de liaison, qui établit précisément le statut de transposition ‘métaphorique’ du champ pratique par le muthos » (ibid.). Tenant compte de cette fonction non seulement de coupure mais aussi de liaison, Ricœur distingue trois stades ou trois niveaux associés auterme mimèsis qu’il nomme mimèsis I, II et III. En simplifiant un peu, on peut dire que la mimèsis II, nommée « mimèsis-création » (ibid., p. 77), est associée aumedium et à la structure, c’est-à-dire àla textualité de la narration, tandis que mimèsis I et III concernent son contexte, c’est-à-dire grosso modo l’aspect performatif négligé par White. Ainsi, « l’amont de la composition poétique » est-il désigné par la notion de mimèsis I et « l’aval de la composition poétique » par la notion de mimèsis III. S’agissant de la relation et dela valeur analytique de ces trois niveaux de mimèsis,Ricœur explique : « Pour une sémiotique, le seul concept opératoire reste celui du texte littéraire. Une herméneutique, en revanche, est soucieuse de reconstruire l’arc entier des opérations par lesquelles l’expérience pratique se donne des œuvres, des auteurs et des lecteurs. […] L’enjeu est donc le procès concret par lequel la configuration textuelle fait médiation entre la préfiguration du champ pratique et sa refiguration par la réception de l’œuvre » (ibid., p. 86).

II.3 L’avantage du modèle de Paul Ricœur :la réciprocité entre le monde de l’action et le monde de la narration

Si l’on compare les approches de White et de Ricœur, les avantages du modèle de Ricœur me semblent évidents6. Avec sa conception des trois stades de mimèsis, il permet d’envisager,d’un côté, sous le titre de mimèsis I,le problème d’une « sémantique de l’action », c’est-à-dire la « pré-compréhension du monde de l’action » et des « ressources prénarratives de l’agir humain » (Ricœur, 1983, p. 123). Et, de l’autre côté, sous le titre de mimèsis III, il permet d’envisager l’acte de la réception de la narration comme « l’ultime vecteur de la refiguration du monde de l’action sous le signe de l’intrigue. » (ibid., p. 117). En plus, grâce à l’idée du cercle herméneutique, la conception d’une herméneutique narrative permet de penserla réciprocité qui existe entre le monde de l’action et le monde de la narration.

Le modèle de Ricœur – à la différence de celui de White – a l’avantage de pouvoir être rattaché à plusieurs courants actuels de la recherche narratologique. C’est, par exemple, au niveau de la mimèsis III qu’on pourrait intégrer les études empiriques de la ‘psychonarratologie’ à propos de ce que des psychologues appellent « literary response » (voir Bortolussi/Dixon, 2003), c’est-à-dire toutes sortes d’études concernantla relation réciproque entre les informations d’une narration donnée et les inférences que fait un lecteur concret en ‘réalisant’ la ‘mise en intrigue’, le plot. Liée à la conception d’une identité narrative, l’idée du cercle herméneutique est compatible aussi bien avec les études neurobiologiques concernant la relation entre la narration et l’évolution de la conscience humaine qu’avec les études des psychologues, historiens et ethnologues à propos des fonctions culturelles et historiques des soi-disant « self-narratives », c’est-à-dire les « life-histories », « group-defining stories », « narratives of national identity » et autres7.

III. Le modèle de la triple mimèsis etla relation entre narration historiographique et narration  littéraire

III. 1.  Le problème de la référence ou l’omniprésence des structures narratives aux trois niveaux de la mimèsis

Revenons à la question de la relation entre narration histioriographique et narration littéraire. Le modèle de la triple mimèsis implique que l’idée déjà mentionnée d’une « identité structurale entre l’historiographie et le récit de fiction » n’est valable qu’au niveau de la mimèsis II. Quant aux deux autres niveaux, Ricœur parle aussi bien d’une différence spécifique que d’une « référence croisée entre l’historiographie et le récit de fiction » (1983, p. 124). Concernant la différence spécifique, Ricœur constate : « Ce que le récit historique et le récit de fiction ont en commun, c’est de relever des mêmes opérations configurantes que nous avons placées sous le signe de mimèsis II. En revanche, ce qui les oppose ne concerne pas l’activité structurante investie dans les structures narratives en tant que telles, mais la prétention à la vérité par laquelle se définit la troisième relation mimétique » (1984, p. 12)8.

Ricœur se sert donc de la formule « prétention à la vérité » pour marquer une différence entre les deux modes de narration. Et cette ‘prétention’, au sens d’une intentionnalité, il la localise non pas dans l’acte de production ou dans la structure mais dans l’acte de réception de la narration, c’est-à-dire au niveau de la mimèsis III. Par conséquent, le critère de distinction semble recevoir une valeur purement pragmatique et relative. C’est à ce point de son argumentation que, à mon avis, Ricœur n’exploite pas toutes les possibilités ouvertes par sa propre conception d’une herméneutique narrative impliquant trois stades de mimèsis et une relation réciproque et dynamique entre le monde de l’action et le monde de la narration.

Pour expliquer cela, je reviens au niveau de la mimèsis I. Si l’on compare le concept de mimèsis I et de mimèsis II, c’est la différence entre narrativité explicite et pré-narrativité qui importe. Comme les réflexions de Ricœur à ce propos sont développées d’une manière assez provisoire, il me semble acceptable de les compléter par les idées que d’autres phénoménologues comme David Carr (1986) et Alasdair MacIntyre (1997 [1981]) ont développées. Ce faisant, cette soi-disant ‘pré-narrativité’ peut être conçue comme l’ensemble des modèles plus ou moins stables qui nous servent non seulement à exprimer mais aussi à organiser notre expérience et nos actes. Apparemment, comme Barbara Hardy le soutient, « we dream in narrative, daydream in narrative, remember, anticipate, hope, despair, believe, doubt, plan, revise, criticise, construct, gossip, learn, hate and love by narrative » (1968, p. 5)9. Si l’on suit cet auteur, les éléments de la mise en intrigue – ‘début’/‘milieu’/‘fin’, ‘problème’/‘solution’, ‘tension’/‘dénouement’, ‘changement de fortune’, etc. – se trouvent également dans la réalité humaine – au moins au niveau de ce que Carr appelle ‘larger-scale-action’10. Autrement dit : l’homme vit des histoires avant de les raconter, il est – selon la fameuse formule de Wilhelm Schapp (2004) – « empêtré dans des histoires »11. Or, on ne trouve pas les structures narratives seulement dans la narration mais aussi dans le monde de l’action humaine – c’est-à-dire, pour parler avec David Carr, « narrative form is not a dress which covers something else, but the structure inherent in human experience and action » (1986, p. 61)12. Si l’on concède que des structures narratives forment donc une partie constitutive de nos actions, le rapport entre le monde de l’action et la narration se présente d’une toute autre manière. Au lieu duhiatus insurmontable que l’on trouve dans la conception de Hayden White – qui postule, d’un côté, un soi-disant champ historique plus ou moins chaotique et, de l’autre, des histoires structurées mais forcément fictives –, on constate l’aptitude de la forme narrative às’approprier la réalité humaine. Et c’est seulement l’idée d’un rapprochement théoriquement possible qui permet de penser le rapport entre le monde de l’action et la narration non seulement comme une relation réciproque et dynamique mais aussi comme un rapport plus ou moins étroit. Ainsi, au lieu de dire d’une manière fondamentaliste que toute narration produit par sa qualité constructiviste des fictions, on peut parler d’une relation relative, au sens d’une distance plus ou moins grande.

Mais où est donc le point archimédique pour mesurer cette distance ? Évidemment, il n’y a pas de réponse simple à cette question. J’aimerais pourtant souligner que ce point ne me semble pas purement pragmatique et relatif. En d’autres termes : la qualité d’une soi-disant factualité de la narration est une question qu’on ne peut pas restreindre au niveau de mimèsis III. Elle appartient aussi bien aux deux autres niveaux, c’est-à-dire à la mimèsis I et II, et elle fait partie du cercle de l’herméneutique narrative.

Ayant examiné le problème de la référence dans le récit, c’est-à-dire celui du rapport entre la narration et le monde de l’action en vue de la possibilité théorique d’une factualité – au moins relative (c’est-à-dire une factualité qui concerne plus que l’ordre purement temporel des incidents singuliers) –de la structure narrative, j’aimerais soulever à nouveaule problème du rapport entre deux types de narration. Je reviens donc au sujet propre de la critique littéraire : si l’on concède que toute narration a un caractère factice en rassemblant non seulement une fonction de liaison mais aussi une fonction de coupure avec le monde de l’action – comment faut-il entendre la littérarité d’une narration, et qu’est ce que nous, les narratologues, pouvons apprendre de Ricœur sous cet aspect ?

III. 2. Comment définirla littérarité d’une narration ?

Les critiques littéraires utilisent traditionnellement deux critères pour définir la littérarité d’une narration : on la comprend soit en accentuant la spécificité de sa structure soit la spécificité de son statut pragmatique.

En ce qui concerne le rapport entre ces deux critères classiques, c’est-à-dire le critère textuel d’une complexité particulière et le critère pragmatique d’une certaine posture intentionnelle envers la référentialité de la narration, on trouve des positions bien différentes. Quant aux soi-disant ‘indices de fictionnalité’, il est bien connu qu’il y a, d’un côté, la position exprimée par John Searle, et partagée par Hayden White, que « there is no textual property […] that will identify a text as a work of fiction » (Searle, 1975, p. 90), tandis que, de l’autre côté,Käte Hamburger et Dorrit Cohn proclament qu’il y a bien des « signposts of fictionality » au niveau intratextuel qui marquent la fictionnalité d’une narration donnée (voir Hamburger, 1986 [1968] ; Cohn, 2001 [1990])13.

J’ai expliqué ailleurs pourquoi la position de Hamburger et deCohn me semble être convaincante – à la condition que l’on concède (comme Gérard Genette l’a proposé dans Fiction et diction, 1991, surtout chap. III) que les qualités discursives nommées par elles marquent des indices mais ne représentent pas une nécessité objective et généralement valable pour le phénomène de la fictionnalité (voir Scheffel, 2003 ; Martínez/Scheffel, 2003). Évidemment des techniques narratives comme le style indirect libre et le monologue intérieur utilisés de règle générale dans la narration littéraire nous permettent ce que la narration factuelle ne peut pas offrir au même degré : la possibilité de participer en apparence directement aux pensées, rêves et sentiments d’autres personnes. Mais la facticité particulière de la narration littéraire ne se borne pas à cette possibilité. Pour éclairer cette qualité spécifique, je reviens aux modèles narratifs de White et de Ricœur.

Si l’on suit White, on peut dire que l’historien narrateur se voit tout d’abord confronté aux‘éléments’ d’un champ historique en ordre plus ou moins chaotique, tandis que l’écrivain peut, dès le début, inventer ce qu’il raconte en se servant d’éléments fictifs. Ensuite, l’historien et l’écrivain forment des histoires en se servant dunombre d’intrigues schématisées que la culture humaine met à leur disposition. À l’aide du modèle de Ricœur, on pourrait corriger cette image à mon avis peu convaincante en disant que l’historien narrateur a l’intention de retrouver derrière les éléments d’un champ historique des cohérences en forme de structures prénarratives et de les refigurer d’une manière ou d’une autre, tandis que l’écrivain littéraire dispose d’une liberté déclarée d’inventer non seulement les éléments d’une histoire mais aussi les structures prénarratives elles-mêmes, c’est-à-dire la sémantique d’action qu’il configure par la mise en intrigue. Mais la liberté de la narration littéraire ne s’arrête pas à la simple configuration du temps14 ou du monde de l’action. L’objectivité imaginaire déployée par son intermédiaire inclut la possibilité d’un grand nombre de formes de la metanarration et de la metafiction, c’est-à-dire toutes les formes d’un ‘récit spéculaire’(voir Dällenbach, 1977)15.Elle offre ainsi a possibilité

  • d’éprouver et de réfléchir les structures narratives au niveau de l’action narrée,

  • d’éprouver et de réfléchir les structures narratives au niveau de la narration,

  • d’éprouver et de réfléchir la relation entre le monde de l’action et la narration aussi bien au niveau de l’action narrée qu’au niveau de la narration.

En effet, on trouve parmi les sujets principaux de la narration littéraire aussi bien la référence croisée entre la narration factuelle et la narration de fiction que le concept et les conséquences d’une herméneutique narrative.

Il serait facile d’illustrer cela en s’appuyant sur l’exemple des grands romans de la modernité, c’est-à-dire dessoi-disant ‘romans épistémologiques’ comme Der Mann ohne Eigenschaften de Robert Musil ou À la Recherche du temps perdu de Marcel Proust. On pourrait étudier cette tendance de la narration littéraire à la réflexivité dans les narrations de toutes les époques depuisl’antiquité, c’est-à-dire – pour ne citer que quelques titres – dans L’Odyssée de Homère, L’Histoire véritable de Lucien, L’Orlando Furioso de l’Arioste, dans Don Quichotte, Tristram Shandy, Jacques le Fataliste, Madame Bovary, et même dans le roman traditionaliste et réaliste comme La Muse du département de Honoré de Balzac16.

III. 3.  Le récit littéraire comme ‘laboratoire de la mise en intrigue’ : l’exemple du roman historique (Ivanhoe de Walter Scott)

Pour finir, j’aimerais considérerun exemple moins connu et, en apparence, très proche de la narration historiographique.

Pour analyser les rapports entre le récit littéraire et le récit historiographique, on a souvent pris pour exemple le roman historique du XIXe siècle. C’est Daniel Fulda qui a décrit d’une manière différenciée la naissance du récit historiographique moderne en s’attachant aux liens d’affinité mais aussi de concurrence avec le modèle du roman historique fondé et popularisé par Walter Scott. Fulda et d’autres critiques situent la littérarité des romans de Walter Scott dans le fait de créer un protagoniste de caractère moyen qui est impliqué dans une action typiquement romanesque, et de placer cette action dans l’horizon de la ‘grande histoire’ en utilisant des principes stylistiques comme l’illusionnisme mimétique et la technique de la ‘couleur locale’ (Fulda, 1996, p. 400)17. J’en suis d’accord, mais j’aimerais mettre l’accent sur un autre aspect.

Si l’on prend comme exemple un des romans les plus populaires de Scott, Ivanhoe (1819), on y trouve, au niveau de l’action romanesque,l’histoire assez complexe d’un grand nombre de personnages dont l’un des plus importants est celui qui a donné son nom au titre du roman. C’est le chevalier Ivanhoe, qui revient de la guerre sainte en Angleterre pour lutter contre des intrigants et soustraireau dernier moment àleurs mains aussi bien son père que la dame qu’il aime, Rowena, pupille de son père. La difficulté du combat d’Ivanhoe est accrue par le fait qu’il doit en cours de route affronter non seulement des ennemis mais aussi ses propres émotions (il risque de tomber amoureux d’une belle juive nommée Rebecca). Mais ‘tout finit bien’ :à la fin du roman Ivanhoe, épouse Rowena, tandis que Rebecca se retire pour mener une vie pieuse.

L’horizon historique de l’histoire racontée est constitué parla situation problématique de l’Angleterre à la fin du XIIe siècle, c’est-à-dire à l’époque où le pays va quasiment à la dérive car, alors quele Roi, Richard Cœur de Lion, qui fait la guerre en Terre Sainte, est absent du royaume, les rivalités traditionnelles entre Normands et Anglo-saxons éclatent de nouveau à la faveur de l’absence du monarque, et risquent de déchirer le pays.

S’agissant du niveau de la présentation des événements racontés, on a, d’une part, au début de chaque chapitre, des citations qui incorporent l’action romanesque dans tout un réseau d’intertextualité littéraire. De l’autre, la voix d’un narrateur hétérodiégetique explique au lecteur tous les détails historiques en accentuant en même temps la distance historique et la différence des conditions de vie entre l’époque du temps narré et l’époque actuelle du temps de la narration.

À première vue, au niveau de l’action romanesque, c’est le schéma d’action du type romance– signalé d’ailleurs par le sous-titre du roman – que l’on rencontre ici. Mais si l’on regarde de près, il y a bien des entorses à ce schéma. Ainsi, par exemple, à la différence de Parcifal,ce n’est ni le Gral ni un royaume que Ivanhoe trouve à la fin, mais un mariage résultantplutôt dela bienséance et fondé sur le refoulement du désir pour une autre femme, un mariage de type plus ou moins bourgeois. On pourrait effectivement dire que, sous les apparences du genre romance et à l’aide des costumes du Moyen Âge, Scott offre à ses lecteurs contemporains un schéma d’action qui correspond aux besoins idéologiques de la société bourgeoise dela première moitié du XIXe siècle. Mais la performance du roman ne s’arrête pas à une simple reproduction du modèle de la famille bourgeoise. En réalité, Scott juxtapose et réfléchit dans son roman, deux schémas d’action sous différents aspects : le premier est celui de l’action héroïque et romantique du chevalier luttant pour la gloire ; le deuxième est celui de l’action pragmatique et prosaïque de l’homme guidé aussi bien par la raison que par un sentiment d’amour pour les autres et de responsabilité sociale.

Je ne peux pas approfondir ce point. Mais j’aimerais quand même donner un exemple : une des scènes centrales pour l’action romanesque est le siège d’un château fort à l’intérieur duquel se trouvent Ivanhoe et la belle juive Rebecca, qui ont été enlevés par les Normands. Il faut compter au nombre des qualités littéraires du roman le faitque Scott a exclu son héros du combat décisif pour le destin de sa cause. Tandis que le protagoniste, Ivanhoe, blessé se trouve condamné à rester au lit, Rebecca, regardant parune fenêtre ce qui se passe à l’extérieur, lui conte tous les détails cruels de la bataille qui se produit autour du château. Scott utilise ainsile moyen technique de la narration narrée pour présenter une action soi-disant typiquement héroïque par le biais de la perception et de la voix d’une femme choquée par les brutalités qu’elle voit. De la sorte, Scott crée une distance qui lui permet de réfléchir à l’intérieur de l’histoire, et quasiment in actu, l’origine et la valeur de l’action racontée. Ainsi, quand Ivanhoe se plaint qu’il ne peut pas participer à la bataille, Rebecca lui répond : « How coudst thou hope to inflict wounds on others, ere that be healed which thou thyself hast received? » Quand Ivanhoe lui explique que ce sont uniquement l’amour pour la bataille et la gloire qui fontvivre le chevalier et qu’elle n’entend rien à ce sujet, Rebecca lui répond : « Glory? […] is there such virtue in the rude rhymes of a wandering bard, that domestic love, kindly affection, peace and happiness, are so wildly bartered, to become the hero of those ballads which vagabond minstrels sing to drunken churls over their evening ale? » (Scott, n.d. [1923], Chap. XXX, p. 397).

D’un côté, on trouve l’idéal bourgeois du « domestic love », de l’autre, celui de l’action héroïque guidée par des schémas d’action qui sont configurés par un certain type de narrations littéraires et que l’on re-configure pour conserver le souvenir de la gloire de tel ou tel chevalier dans la mémoire d’une collectivité de caractère peu recommandable. Non seulement l’attitude envers l’action héroïque dans cette scène, mais toute la structure narrative du roman, est marquée par cette ambivalence envers la sémantique de l’action. Ainsi, au niveau de la cohérence de l’action romanesque, Ivanhoe, Rebecca et les autres otages des Normands sont libérés grâce aux prouesses d’un chevalier noir. Cet inconnu, qui soutient les Saxons par son courage inouï, n’est personne d’autre que Richard Cœur de Lion, revenu dans son royaume. Dans la réalité de la mise en intrigue, ce n’est donc pas Ivanhoe, mais Richard qui figure comme le héros de l’action et c’est grâce à lui que la fin heureuse du roman devient possible. Mais qui-est ce Richard ? Au niveau de la narration, il est ainsi caracterisé à la fin du roman : « In the lion-hearted King, the brilliant, but useless character, of a knight of romance, was in a great measure realized and revived; and the personal glory which he acquired by his own deeds of arms, was far more dear to his excited imagination, than that which a course of policy and wisdom would have spread around his government » (Scott, n.d. [1923], Chap. XLII, p. 590). Et, un peu plus tard, le narrateur ajoute, en s’inspirant de la même idée que Rebecca dans la scène citée : « his feats of chivalry furnishing themes for bards and minstrels, but affording none of those solid benefits to his country on which history loves to pause, and hold up as an example to posterity » (Scott, n.d. [1923], Chap. XLII, p. 591).

De cette façon, le roman de Scott problématise finalement le fondement de sa propre mise en intrigue. L’action qu’il présente reçoit sa cohérence aussi bien que son intérêt d’un héros romantique – un type d’homme guidé par l’imagination et qui, en fait, figure comme sujet idéal des narrations littéraires – mais non pas de l’historiographie et de l’histoire réelle. Voici comment la narration littéraire reflète la relation réciproque entre l’action humaine et les récits et fonctionne en tant que – pour varier une formule célèbre de Michel Butor – « laboratoire de la mise en intrigue »18. La narration littéraire ne sert pas seulement à configurer le temps mais aussi à éprouver mentalement et à réfléchir la référence croisée entre l’historiographie et le récit de fiction aussi bien que celle entre le monde de l’action et les structures narratives.

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Notes

1  Pour une revue de la discussion, voir Nünning (1999) ; voir également Ankersmit (2010) et Breyer et Creutz (2010).

2  Pour une critique de la partie ‘pratique’ du livre de White, voir Fulda (1996, p. 362 sq. et p. 388). Voir aussi Süssmann (2000).

[Note des rédacteurs : Les narratologues allemands emploient souvent le mot ‘narration’ (Erzählen) au sens du terme ‘récit’ de la narratologie française ou à celui de ‘narrative’ de la narratologie anglophone.]

3  Quant au rapport entre l’événement et sa fonction dans une histoire donnée, White souligne qu’ilest variable voire arbitraire : la mort du roi Louis XVI par exemple peut faire fonction de motif de clôture, de début de transition dans trois histoires différentes consacrées au ‘champ historique’ du XVIIIe siècle (voir White, 1973, p. 7).

4  Pour les modèles de la « constitution narrative », voir Scheffel (2009).

5  White se base ici sur un modèle développéepar Frye (1969 [1957]).

6  Voir aussi Scheffel (2009, surtout p. 290-292).

7  Voir par exemple Brockmeier et Carbaugh (2001). Pour une revue des positions actuelles, voir Scheffel (2004).

8  Voir aussi Ricœur : « […] dans mon vocabulaire, le terme ‘fiction’ est entièrement défini par l’antithese qu’il fait avec le recit vrai : il s’inscrit donc sur un des deux trajets de la reference du recit, et releve de mimèsis III, […]. » (1983, p. 315).

9  Voir aussi MacIntyre (1984, p. 204-225) etHyvärinen (2006).

10  Pour la différence entre ‘small-scale’ et ‘larger-scale-action’, voir Carr (1986, p. 33 sq.).Voir aussi Meuter (1994, surtout p. 126 sq.).

11  Pour le contexte, voir aussi Haas (2002) etMacIntyre : « Stories are lived before they are told – except in the case of fiction » (1984, p. 212).

12 Une observation semblable se trouve d’ailleurs déjà dans le roman de Musil (1978 [1930]) : « Die meisten Menschen sind im Grundverhältnis zu sich selbst Erzähler » (chap. 122, p. 650).

13  Voir aussi Pihlainen (2002) ; pour une excellente revue de la discussion internationale, voir Zipfel (2001) ; voir récemment aussi Schaeffer (2009).

14  Notons entre parenthèses que c’est l’idée centrale de Ricœur que de l’entrecroisement « entre historicisation du récit de fiction et fictionalisation du recit historique » naît ce « qu’on appelle le temps humain, et qui n’est autre que le temps raconté » (1985, p. 150). Dans le cadre de mon argumentation narratologique, je ne prend pas en compte,  cette question fondamentale pour la pensée phénoménologique.

15  Pour une typologie et l’histoire des formes de la metanarration et de la metafiction, voir Scheffel (1997).

16  Pour l’analyse d’une grande partie des œuvres citées, voir Scheffel (1997, 2007).

17  Voir aussi Lampart (2002).

18  Voir Butor : « Le roman est le laboratoire du récit » (1960, p. 8).